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"La fureur de la rue" - Thomas H. Cook

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"Puis il se souvint du jour où petit garçon, il s'était rendu compte que les Noirs s'asseyaient toujours au fond du tramway. Il avait demandé à sa mère qu'elle en était la raison, et elle s'était contentée de lui répondre : "Parce que ça leur plaît" Birmingham, Alabama. En ce printemps 1963, l’ambiance y est explosive. Comme tant d’autres, la ville est le théâtre de manifestations du Mouvement pour les droits civiques, et la présence de Martin Luther King, galvanisante pour la population noire, y exhausse les tensions. Au gré de défilés silencieux, de blocages de la circulation, ou d’occupations de de self-services, les militants du Mouvement s’efforcent à la non-violence. Les forces de l’ordre n’ont pas tant de scrupules : la brutalité policière -arrestations arbitraires, matraquages, manifestants repoussés au jet d’eau…- est permanente. La situation menace peu à peu de basculer dans le chaos… C’est dans ce contexte que nous suivons le sergent Ben Wellma...

"C’est bon pour ton ego" - Béatrice Crespo-Binisti

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"Marguerite meurt d’envie de tordre le cou de sa fille, mais la garce a un cou solide, un vrai cou de taureau." Le premier texte donne le ton… En pleine prise d’otages dans une supérette, la narratrice tergiverse in petto sur le contenu du diner qu’elle va cuisiner pour l’anniversaire de son compagnon. Le surgissement incongru de cette réflexion anodine désamorce la tension dramatique, y introduit une légèreté qui surprend et fait sourire. On retrouve tout au long du recueil, en fonction des textes, cette cohabitation entre gravité et dérision, entre tragique et humour. Un humour délicieusement décalé, mais parfois aussi délicieusement noir. La légèreté est cependant loin de l’emporter à tous les coups, même si on trouve presque à chaque fois une occasion de sourire (parfois très jaune).  Certaines situations sont dramatiques -suite à une chute, une vieille dame se retrouve à la merci de sa fille acariâtre, qui la sépare de son chien ; un homme rejeté par sa maitresse projet...

"Flush : une biographie" - Virginia Woolf

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"Il est naturel qu'un chien toujours couché avec la tête sur un lexique grec en vienne à détester d'aboyer ou de mordre; qu'il finisse par préférer le silence du chat à l'exubérance de ses congénères et la sympathie humaine à toute autre." "Flush", ainsi que le précise son sous-titre, est la biographie d’un chien. Mais pas n’importe quel chien. En effet, Flush est un épagneul cocker, race considérée depuis des siècles comme éminemment noble, dont les représentants " avaient leur place aux côtés du roi ". Il voit le jour vers 1842, au sein d’une famille bourgeoise désargentée établie à la campagne, ce qui lui permet de profiter, au cours de ses premiers mois, du grand air et d’une belle liberté de mouvement. Un changement radical de mode de vie survient avec son adoption, à Londres, par Miss Barrett, jeune femme qu’une mystérieuse maladie -probablement d’ordre psychologique- paralyse. Elle passe ainsi la majeure partie de son temps confinée ...

"Ladies in blues" - Michel Quint

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"Aux premières notes qu’il en a tirées, (…) j’ai compris que ce type avait notre destin dans ses poches". "Ladies in blues" regroupe deux courtes histoires, variations autour des femmes et du blues donc, dans la double acceptation, musicale ou psychologique, du terme.   La première tire son titre de l’établissement que tient le narrateur. Le Yellow Dog est une ancienne petite ferme de la campagne lilloise reconvertie en club de jazz. Un quintet y joue pour des clients qui dinent ou boivent un verre sous des lumières tamisées. Sam -ainsi surnommé par ses acolytes en référence au barman d’un vieux western- y est à la fois associé et serveur. C’est un homme posé, visiblement sans passion, que l’on dit "estropié du sentiment". Ce que tout le monde ignore, y compris la principale intéressée -à moins qu’elle ne le cache bien-, c’est que Sam aime la chanteuse du Yellow Cab. Wanda sent le tabac froid et elle n’est plus de la première jeunesse mais elle est doulour...

"L’affaire Kovac" - Howard Fast

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"Qu'est-ce que l'humanité ? A-t-elle la moindre signification, n'est-ce pas un simple accident de la nature, un bouleversement de la structure moléculaire ?" Le premier texte donne son titre au recueil. On y assiste à l’assemblée annuelle que tient le Conseil d’une entreprise internationale, où règne une parfaite parité hommes/femmes, et où sont représentées toutes les nations et toutes les races. S’y traite, comme chaque année avant tout autre dossier, la question morale et légale que représente le "problème" Steve Kovac, le magnat à l’origine de la fondation de l’entreprise. Quelle est la nature de ce problème ? Et quelle question pose-t-il aux membres de cette assemblée qualifiée d’humaniste, dont l’influence dominante s’étend à l’ensemble de la Terre ? Je laisse planer le mystère, l’un des plaisirs de cette lecture consistant à découvrir, à chaque texte, le fondement des étranges intrigues imaginées par l’auteur. La deuxième nouvelle nous plonge dans...

"Bartleby le scribe" - Herman Melville

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"Je préfèrerai pas." On entend souvent dire que la littérature pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Si un livre est l’illustration de cet adage, c’est bien ce court texte d’Herman Melville. L’homme qui nous raconte cette histoire se définit comme un "d’un certain âge". Il a pendant trente ans été notaire à New-York. C’est dire s’il en a vu passer, des scribes. A l’époque dont il est question, deux de ces énergumènes travaillent d’ailleurs dans son étude. L’un, parce qu’il abuse de l’alcool à midi, n’est productif que le matin, tandis que l’autre, dont l’humeur massacrante du début de journée s’éclaire au fil des heures, ne l’est que l’après-midi. Mais notre narrateur renonce sans hésiter à la biographie de tous les scribes, aussi singuliers soient-ils, pour celle de l’extraordinaire Bartleby. Recruté pour pallier les performances fragmentaires de ses deux employés, ce nouveau scribe présente pourtant un aspect peu remarquable, et même "singuliè...

"Orphelins" - Charles D’Ambrosio

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"Je voulais un forum pour mes doutes, aussi ai-je laissé mes errances sur la page." (Avant-propos à l’édition française) C’est un recueil, non pas de nouvelles, mais de textes hybrides, entre articles et essais, dont les sujets, très divers, parcourent aussi bien le champ intime que la sphère publique, les deux s’entremêlant souvent. L’aspect personnel des récits est fortement marqué par la perte et les tragédies vécues par les hommes de la famille de Charles D’Ambrosio. L’un de ses frères s’est suicidé, l’autre est atteint de troubles psychiatriques, son père était agoraphobe… l’évocation de ces drames est exempte de toute sensiblerie -mais non de sensibilité-, et donne lieu à des textes touchants et riches de réflexions qui dépassent l’individualité, comme lorsqu’il philosophe sur l’addiction au jeu en partant de l’exemple de son frère, explique son goût pour les voyages clandestins dans des trains de marchandises, ou décortique les mécanismes de l’attachement au lieu de no...